A travers cette interview vous sera présentée Emmanuelle Amadis, auteure des livres « Le réservoir de Sajuta » et de « Trois pattes », des romans publiés par Rise Editions. J’ai eu l’occasion de rencontrer l’auteure à Mons livre et son sourire est vraiment communicatif ! J’espère que vous pourrez en apprendre plus sur cette personne charmante et talentueuse à travers ces quelques questions – réponses… (Arf, trop de compliments, je ne sais plus où me mettre, on a dû se rencontrer avant la première bière (oui, on ne peut pas passer en Belgique sans boire au moins une bière 😊) sans quoi je n’aurais pas fait aussi bonne impression. C’est également difficile de ne pas avoir le sourire sur les stands quand on rencontre autant de gens charmants, partageant en plus la même passion pour les livres.) 1. Comment faites-vous pour partager votre temps entre votre vie privée et votre vie d’auteure ?Je ne sais pas si je partage quoi que ce soit 😊. L’avantage de faire un « travail à domicile » c’est que l’on reste disponible pour la famille et les amis, on adapte ses horaires aux nécessités de la vie courante. Même si je reconnais que l’obtention du permis de conduire de mes enfants me soulage de nombreux déplacements (vive les joies de la campagne). Les amis eux savent s’imposer quand ils jugent que je les néglige aux profits de mes personnages ou de mes relectures, je les vois donc débarquer, ou me kidnapper, pour un après-midi, une soirée… Ils aiment m’obliger à sortir de ma bulle. Je suis assez bohème pour le coup, je vis au jour le jour. 2. Quel est l’élément déclencheur qui vous a donné envie d’écrire ? Avez-vous ressenti le besoin de prendre la plume après une lecture ou bien ce besoin a-t-il toujours fait partie de vous ? L’avantage d’avoir eu des difficultés pour apprentissage de la lecture et de l’écriture (merci la dyslexie) c’est que cela m’a obligé à faire attention aux mots. J’aurais pu les détester, surtout quand l’école sanctionnait la moindre faute (Dieu sait qu’il y en avait à la pelle), mais l’un de mes professeurs de 3ème (un professeur d’histoire) a un jour donné un conseil qui m’a interpellé et que j’ai suivi : « si vous voulez améliorer votre expression écrite, écrivez. Prenez un cahier, un journal et obligez-vous à écrire au moins une ligne chaque jour. Écrivez n’importe quoi, le temps qu’il fait, ce que vous avez sur le cœur, ce que vous avez mangé… tiens, vous pouvez même vous défouler en écrivant que votre prof d’histoire vous ennuie et me traiter de tous les noms, tant que vous notez au moins une petite phrase par jour. Vous verrez, vous vous améliorerez. » J’avoue, cela m’a libéré de la contrainte de performance exigée par l’école. J’ai commencé par écrire un journal (d’un inintérêt total, je dois bien l’admettre), mais n’ayant pas à faire attention à l’orthographe et à la grammaire, je pouvais m’approprier les mots, jouer avec eux, plutôt que de maudire la complexité de la langue française. Cela m’a aussi permis de gérer mes émotions, quoi de mieux que de les coucher sur le papier pour les analyser sans s’en rendre compte, et prendre du recul avec certains événements et contrariétés d’une vie d’adolescente. Et puis, comme ma vie n’était vraiment pas passionnante, j’ai commencé à griffonner des petites scènes imaginaires. Je n’ai probablement pas écrit des merveilles à l’époque, mais le plaisir de jouer avec les mots était là. 3. Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez mis le point final à votre premier manuscrit ? Difficile à dire, cela remonte à loin (une quelconque nouvelle quand j’avais 14 ou 15 ans). Pour ce qui est des romans plus conséquents qui ont été édités par la suite, je dirais que le sentiment principal c’est le soulagement. Pas celui d’avoir douté à un moment d’arriver au bout, mais celui de me dire que mes personnages n’ont plus de raison de me harceler pour faire ceci ou cela et que je vais pouvoir passer à une autre histoire. 4. Parmi tous les livres que vous avez publiés, y en a-t-il un qui vous tient plus à cœur que les autres pour son histoire ou ce qu’il représente ? Pourquoi ? Autant me demander quel est mon fils préféré parmi mes trois garçons lol. Chacun recèle une part de moi ou de ma vision du monde, de mes craintes ou de mes espoirs, de mes envies d’évasion aussi. En choisir un me donnerait l’impression de renier les autres 😉. 5. Comment créez-vous vos personnages ? Vous inspirez-vous de vos connaissances ou bien vos héros s’imposent-ils d’eux-mêmes et ont une existence qui leur est propre ? Ah, si seulement c’était moi qui les créais 😊. Ils s’imposent. Je crée tout au plus une enveloppe fantomatique qu’ils se chargent de remplir avec leurs émotions, leur vécu, et je m’adapte à eux, essayant de retranscrire qui ils sont le plus fidèlement possible. J’ai parfois l’impression que je n’en suis pas maître, et je crains qu’ils en aient conscience. 6. Quelles sont vos habitudes lorsque vous écrivez ? Je n’ai pas de rituel d’écriture. Lorsque j’ai enfin le temps ou l’envie d’écrire, je me mets simplement devant mon ordinateur et j’écris. Mon seul « tic » c’est d’ouvrir la fenêtre dictionnaire du logiciel Antidote, si les mots me viennent facilement, j’ai parfois besoin de m’assurer que certain d’entre eux veulent bien dire exactement ce que je pense, ou que la nuance du synonyme utilisé est assez subtile pour ne pas modifier totalement le sens de ma phrase. Je suis un tantinet maniaque avec la signification des mots. 7. Quel est le roman qui vous a donné le plus de fil à retordre pendant l’écriture ? Tous ceux qui ne sont pas finis. Non, je plaisante, en fait je n’ai pas de difficulté à coucher sur le papier ce que « voit » ou « sent » en moi. La partie la plus complexe pour moi, c’est la relecture, parce que c’est le moment où je dois vraiment lutter contre ma nature pour tenter de maîtriser un minimum les règles de grammaire qui comportent bien trop d’exceptions pour être véritablement logiques pour mon cerveau. C’est également ce qui m’a retenu pendant des années de faire lire mes écrits : le complexe de la faute, de la grammaire calamiteuse, de l’orthographe approximative. J’ai progressé, mais cela reste ma hantise. 8. Pouvez-vous dire quelques mots sur vos deux romans parus chez Rise Editions ? Ils sont assez représentatifs de mon écriture : un mélange de genre, aucune frontière. Le premier à être sorti chez Rise est « Le réservoir de Sajuta », c’est une romance hétérosexuelle entre une humaine, Sofia, et un être d’un autre monde, Calix. J’aime l’idée que Sofia est quelqu’un d’assez quelconque, que vous pourriez rencontrer tous les jours sans même vous douter qu’elle est « particulière ». Qu’elle ne le sache pas non plus correspond également à ce que je voulais, elle est plus proche de chacun d’entre nous, se croyant ordinaire, perdue dans la masse et sans réelle importance pour le monde. Calix est un personnage plus inquiétant, il a touché du doigt les parts les plus sombres de son âme, il a agi avec insouciance, en toute « bonne foi », ne découvrant ses erreurs (les atrocités dont il s’est rendu coupable) qu’après avoir complètement déraillé. Depuis, il hésite à se faire confiance, il a besoin d’analyser chaque détail de sa vie pour ne pas perdre la tête à nouveau. L’équilibre du réservoir, autant que celui des personnages, est précaire, chacun doit s’ouvrir un peu pour qu’il reste stable. Le second roman « Trois-Pattes » est une romance homosexuelle entre hommes… enfin homme et garou mâle. Pour moi, Mathieu est l’exemple type du jeune homme à qui on a inculqué une manière de vivre très (trop) formatée dans lequel il n’a pas su et pas pu découvrir qui il est. Il n’a pas « renié » son homosexualité, il ne l’a simplement pas vu, tellement son éducation et l’existence d’une vie de couple différente de la masse n’avaient pas sa place dans l’environnement où il est né et a été élevé. Rencontrer et vivre avec les garous est à la fois difficile et épanouissant, son éducation le fragilise, il doute toujours d’avoir le droit d’être « lui ». Pour Philémon, c’est un autre combat, celui d’accepter les autres, ou plus exactement d’accepter le regard des autres. Il se connaît, mais est confronté à l’idée que les autres se font de lui, basé sur celui qu’il a été plus jeune. D’une certaine manière, Mathieu va l’aider à faire évoluer l’image que son entourage a du garou qu’il est véritablement, et que son instabilité physique est à l’opposé de celui qu’il est à l’intérieur. 9. Le fantastique a l’air d’être votre genre de prédilection. Pourquoi ? Mon esprit logique bloque sur des détails lorsque je tente d’écrire quelque chose de plus contemporain, je vois des incohérences dans le déroulement des scènes, les réactions des gens, je ne parviens pas à « avancer ». J’ai aussi besoin de rêver, de sortir du quotidien, je visite en quelque sorte des mondes, comme d’autres fantasment sur une destination inconnue à l’autre bout de la planète, je vais juste… un peu plus loin 😊. Le fantastique est également l’occasion d’aborder des sujets ou de mettre le doigt sur un travers humain, sans que les lecteurs se braquent. Décentrer le regard, voir les contradictions et les étrangetés de nos réactions à travers un œil « neutre » est quelque chose qui m’amuse, cela cultive la part d’ironie qui m’habite. 10. Quelques mots sur Rise Editions ? Pourquoi avoir choisi cette maison d’édition ? Pourquoi Rise ? En grande partie parce que je connaissais l’éditrice et que sa vision du monde de l’édition était plus conforme à ce que je voulais pour mes romans, et plus à ce dont j’avais besoin. Être édité, c’est accepter des concessions et faire aveuglément confiance à la personne qui s’occupera de vos romans, ce n’est pas une décision qui devrait être prise à la légère. Chaque auteur à une attente différente, c’est en partie pour cela qu’il y a autant d’éditeurs. Certains viennent avec un produit fini, avec correction et illustration déjà faite, ne cherchant qu’un moyen d’obtenir une visibilité en choisissant, telle ME (maison d’édition) ; d’autres veulent obtenir une correction sans tolérer le moindre changement à leur texte et choisissent tel autre ME ; d’autres encore sont prêts à un travail sur le fond autant que sur la forme… Les raisons de se décider pour une ME plutôt qu’une autre sont vraiment variables, la réputation, le bouche-à-oreille, les promesses (illusoires ou non), les affinités personnelles. En l’occurrence, je connaissais l’éditrice avant qu’elle n’imagine crée Rise, sa manière de travailler, sa vision de ce qui doit être fait pour un roman (du début à la fin), correspondait déjà à ce dont j’avais besoin, à mon tempérament. Avant même de commencer notre partenariat, je savais qu’elle serait exigeante, mais également à l’écoute. Elle a une vision d’ensemble de l’édition d’un roman, pas seulement la portion visible de la publication, mais tous les détails qui le mettront en valeur, tout en prenant en compte les lacunes de ses auteurs (je suis incapable de gérer la partie publicité). Ce n’est pas de tout repos, mais le résultat est là : elle arrive à me supporter 😊. Non, je plaisante, elle a vraiment fait un boulot d’enfer, et si les lecteurs n’en voient que le résultat visuel final, ses conseils pour la suppression ou l’ajout de détails dans les textes ont indubitablement ajouté à leur qualité. Être auteur c’est savoir accepter la critique, l’avantage de Rise, c’est que quand celle-ci n’est pas positive, elle est en revanche toujours constructive, le but de l’éditrice étant d’avoir un produit fini qui ne décevra pas le public. Alors il faut s’attendre à devoir reprendre son manuscrit et à le retravailler à plusieurs reprises, l’amitié n’octroyant aucun passe-droit… je me demande même si ce n’est pas l’inverse. BONUS : Un livre que vous avez lu et qui vous a marqué que vous aimeriez partager ? Il y en a tellement… disons le dernier que j’ai relu : Twilight de Lily S. Myst, une romance homosexuelle qui raconte l’histoire d’un jeune homme qui se retrouve démuni du jour au lendemain. J’adore la manière dont cette auteure décrit les émotions de Zach. J'espère que cette interview vous aura permis d'en apprendre un peu plus sur Emmanuelle Amadis et sur ses œuvres. Je la remercie pour ses réponses.
Si cette interview vous a donné envie de découvrir l'univers de l'auteure, voici la page de Emmanuelle Amadis. Merci à vous de suivre le blog! Lucie
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